mercredi 15 juin 2016

En attendant que ça pousse

Texte écrit pour le Festival du Beau 2016 et interprété avec Lionel Magnier lors de la promenade gourmande dans les jardins du Beau (Chaillac - 36) le 18 juin 2016.

avec la violoniste Julia Campens

(Vladimir est en train de planter des bulbes d’ail. Il s’adresse à Estragon qui le regarde)

V : Mais, Estragon, ne reste pas planté là !

-  Estragon : Et qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire !

V : Viens m’aider à planter. Ne me laisse pas en plan !

- E : Où veux-tu que j’aille ?

V : Planter des aulx.

-  E : Planter dézo, ? des oss ?

V : Non, des aulx. A.U.L.X. De l’ail si tu préfères, mais au pluriel.

- E : Je préfère : il n’y a que l’ail qui m’aille et j’ai un physique plutôt pluriel que singulier.

V : Bon, je te plante le décor…

-       E : Je pensais que c’était de l’ail que je devais planter…

V : Oh, t’es vraiment plan-plan !

-       E : Mais tu sais bien, Vladimir, que j’entends mal : tu me relègues toujours au second plan.

V : Bon, ben, d’après le plan du jardin, c’est ici que tu dois planter tes aulx.

-       E : Je creuse donc ici ?
(Il creuse à ses pieds et s’enfonce progressivement)

V : Aïe, aïe, aïe ! Et voilà, tu t’es planté ! Pour un beau plantage, c’est un beau plantage.

-       E : Eh, mais j’ai pas envie de faire de vieux aulx !

V : T’as raison, c’était pas un bon plan, laisse tomber.

         - (E. jette les bulbes)

V : Tu sais quoi ? Tire ton plan !

-       E. : Que je tire mon plan… ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

V : Oh ! C’est du belge. Ca veut dire : débrouille-toi !

-       E : Bon, ben alors, je passe au plan B (comme belge). Tu me diras qu’il est un peu gros, ce plan-là. Mais c’est normal.
(Il sort une bouteille de vin de sa poche et boit).
T’en veux ?

 V : C’est quoi ?

-       E : Du gros-plan.  Un plan d’enfer comme le tien, ça s’arrose !

V. :
L’ail, mâché le matin, corrige la saveur
Des liqueurs et des eaux nouvelles au buveur,
Chasse l’odeur puante, anime le visage,
Cuit, cru, de la voix rauque il adoucit l’usage.
La piquante moutarde est favorable aux yeux,
Et l’ail pour la poitrine est un tonique nerveux.

(Jean de Milan, Aphorismes de Salerne, fin XIe – début XIIe)