dimanche 25 décembre 2016

Moi et Dieu

Moi et Dieu, nous avons une longue histoire.

Le lendemain de ma naissance, j’étais affilié à son grand club. Baptisé.

Dieu m’a collé aux baskets toute mon enfance.
Dieu sait tout, nous disait-on. Il est partout, en tout lieu, en tout temps. Même quand je fais caca ? C’était un dieu à vous constiper. Depuis que je ne crois plus en Dieu, j'ai un excellent transit.
Dieu est partout, même sur mon front, le soir. Quand notre mère vient nous border, ce n’est pas un baiser qu’elle dépose sur notre front, mais un signe de croix.

Dieu sait tout, même nos pensées les plus secrètes. Voilà pourquoi il valait mieux ne pas penser.
-    A quoi tu penses ? A rien !

Il n’y a qu’un seul dieu. Et les autres alors, qui sont-ils ? Allah, Yahweh, Jehovah, Vishnou ? Des imposteurs ? De vils concurrents ? Des avatars ?
Dieu est unique. Celui des Chrétiens, celui des Juifs, celui des Musulmans. Combien y en a-t-il finalement des dieux uniques?

Dieu est infiniment bon. Comment expliquer alors les Croisades, l’Inquisition, le massacre de la Saint-Barthélémy, les conversions forcées, le franquisme, les attentats terroristes, les tortures, les emprisonnements, les exécutions pour blasphème, la pédophilie des prêtres (et j'en passe) ? La conception de la bonté par Dieu est très particulière. 
Dieu est miséricordieux. Mais pas avec ceux qui ne sont pas entièrement d’accord avec lui. Allez hop !, en enfer !

Dieu a créé le monde en six jours.  Darwin nous a démontré que le monde et surtout la vie se sont créés en millions d’années. Mais un vieux barbu a de l’expérience, il peut travailler très vite. Et même se permettre de se reposer le septième jour.

Dieu a fait l’homme à son image. Hitler, Mussolini, Napoléon, Staline, Pol Pot, Marc Dutroux, les fous furieux de Daesh ressembl(ai)ent-ils à Dieu ? Et à quoi ressemble le diable alors ? Si Dieu a raté sa création, il n’est pas aussi parfait qu’on nous le dit. Parfois, il se plante, non ? Et si c’était l’homme qui avait fait Dieu à son image ?

-       - J’adore les macaronis au fromage !
-       - Non, disait une cousine de ma mère : tu aimes bien manger des macaronis, mais il n’y a que Dieu que tu adores. Ni rien, ni personne d’autre.

Tous nos repas familiaux débutaient par le bénédicité, chanté en chœur. 
Bénissez-nous, Seigneur. Bénissez ce repas, cette table accueillante et procurez du pain à ceux qui n’en ont pas. Ainsi soit-il.
Dans d’autres versions interprétées dans d’autres familles, Dieu était remercié pour le repas lui-même. Etait-ce donc Dieu qui faisait les courses et la cuisine ? Se déguisait-il en mère de famille ? Ou bien celle-ci faisait-elle semblant de cuisiner ? Ou alors, hypothèse incroyable, cette mère était-elle une incarnation de Dieu, une fille de Dieu, comme Jésus fut l'incarnation de son père sur terre? Mais alors combien y en avait-il de ces incarnations? Chaque maison avait la sienne?

A la maison, on écoutait les Compagnons de la Chanson, Jacques Brel, Charles Trenet, Edith Piaf, les Frères Jacques, Hugues Aufray, de vieilles chansons françaises, des chants scouts …
Et aussi le Père Duval, Sœur Sourire, Raymond Fau, tous ces chanteurs que Dieu et ses saints rendaient si enthousiastes et joyeux.

A l’école primaire, quand le directeur entrait en classe, nous devions nous lever et dire en choeur: "Bon-jour-cher-frèr'-di-recteur".
A chaque formation de rang, matin, midi et soir, il criait :
« Notre-Dame et Saint-Joseph, patrons de l’école… »
 et nous répondions (en criant aussi) « Prieeeez / pour nous ! »
« Nos saints anges gardiens »
- « Protéééé / gez-nous ! »
Parfois, le chahut modifiait la harangue du cher frère directeur :
-       « On se tait dans les rangs ! »
-       « Protéééé / gez-nous ! »

Dieu est compliqué. Avec lui, tout est péché si l’on n’arrive pas à être parfait comme lui. En fait, Dieu est fatigant, disons même gonflant, avec ses exigences permanentes. Au moins, on avait inévitablement toujours des choses à raconter à confesse, des péchés à avouer. Dieu est un super flic qui vous démontre à longueur de journée que vous avez traversé à côté des clous.

Au collège, nous devions inscrire en haut à gauche de nos feuilles (étaient-ce toutes nos feuilles, nos cahiers, ou seulement celles des devoirs et des interros ?) A.M.D.G., c’est-à-dire ad majorem dei gloriam, pour la plus grande gloire de Dieu. Il est venu un temps où je me suis dit que vu ce que je mettais sur mes feuilles, en math surtout, la gloire de Dieu devait en prendre un coup.

Externes, nous étions obligés d’assister à la messe au collège deux fois par semaine. Si je me souviens bien, c’était le mardi et le jeudi à 7h25. C’était à chaque fois une punition. Se lever encore plus tôt que d’habitude, partir dans le froid et la nuit pour assister à un office sinistre dans une église froide et triste. On était dans le rite obligatoire. Dieu était d’une tristesse insensée, aussi glaçante qu’infinie. Cinquante ans après, je revois ce noir carrelage.

J’ai été croisé (oui, croisé !), enfant de chœur, louveteau et scout catholique, la totale. J’ai fait toute ma scolarité dans l’enseignement catholique, suivi le catéchisme, les cours de religion. Comment en suis-je revenu vivant et pas (trop) névrosé ? Ce doit être un miracle. Vers seize ans, je suis devenu athée. Grâce à Dieu.